Retour sur la Villa Woz en 2017

Installer à Fort-de-France une grande villa décorée en rose, ouverte aux femmes atteintes d’un cancer, à leurs proches, aux personnels soignants, et au grand public pour offrir des informations et un lieu d’échanges autour de la maladie… la Villa Woz était la première grande manifestation organisée par le groupe des Amazones de la Martinique. Le programme s’est tenu pendant octobre rose 2017. Soutenu par l’association Arts en Route, il a été très dense. La fréquentation a été soutenue. Preuve, s’il en fallait une encore une, que les besoins des femmes sont réels en Martinique…

Il régnait le 27 octobre en fin de journée, une grande émotion dans les couloirs de la Villa Chanteclerc. Des bénévoles étaient là, mais aussi des Amazones qui avaient posé comme modèles dans l’exposition de photos et plusieurs des artistes qui avaient réalisé les portraits. Ensemble, ils ont procédé au décrochage de l’exposition qui marquait un événement fort de l’opération Villa Woz 2017. Ce fut une dernière fois dans ce cadre de la Villa Chanteclerc, l’occasion d’échanges, de discussions, de moments de tendresse et d’embrassades. La conclusion d’une magnifique expérience artistique et humaine qui a duré trois semaines.

Affirmation

À l’heure du bilan, force est de constater que l’opération, imaginée par Alexandra Harnais avec une trentaine de bénévoles, a rempli ses objectifs. Il était d’abord question d’interpeller le grand public sur le sort des femmes atteintes d’un cancer en Martinique et de briser leur invisibilité. L’exposition de photos a marqué les esprits. On estime que plus de 3 000 personnes l’ont vue et de nombreux médias en ont rendu compte. Les portraits grand format des Amazones de Martinique et de Guadeloupe, mises à nu, dévoilant leurs cicatrices et leurs blessures, fières, belles et rebelles, magnifiées par une quinzaine d’artistes, ont porté un message collectif d’affirmation fort, dans une société où la nudité et la maladie sont tabou. Le message choc a touché de nombreux visiteurs et pour beaucoup d’Amazones et de photographes, l’expérience a été positivement bouleversante. Le documentaire « Amazones, l’art de revivre », commandé par l’association et réalisé par Vianney Sotès et Laure Martin Hernandez, diffusé sur Martinique Première et à Madiana, a permis de le mesurer et de le faire comprendre au public. Il a participé à une vague d’empathie autour des Amazones, tout comme la série télé quotidienne, « Nola fait son cinéma »,  réalisée par Nadia Charlery, écrite par Mélanie Bonnialy et Patrice Le Namouric. La voix des Amazones a été entendue.

L’ancienne résidence de l’Amiral Robert, métamorphosée par la scénographie et la décoration de Florence Edmond, aidée d’une quinzaine d’artistes plasticiens et designers bénévoles, a offert un écrin rose et convivial pour les centaines de femmes touchées par un cancer du sein qui ont visité les lieux. Elles ont été accueillies, écoutées, et parfois orientées vers des activités. Plusieurs fois des larmes ont été versées. La Villa Woz a permis d’exprimer des souffrances. Elle a ouvert la parole et autorisé l’espoir. La slameuse et Amazone Simone Lagrand a mis des mots sur les maux, tout comme Kalagan et Flo. Sur la scène aussi, sous le chapiteau Woz, des musiciens ont offert des moments de partage festifs comme pendant les concerts de Jocelyne Béroard, Lorianne Zachary et de Paille, puis de Maleïka Pennont et des Fanm Tambou.

Soins de support

Au premier étage de la Villa, des salles, plus intimes, recevaient la plupart des 80 ateliers gratuits qui se sont tenus dans le programme Villa Woz. C’était une occasion, inédite en Martinique, de rencontrer des spécialistes médecins, kinésithérapeutes, reflexologues, coatchs sportifs, stylistes, esthéticien(ne)s, diététicien(ne)s, sociologues, coiffeur(se)s… venus de Martinique mais aussi de Paris et de Nantes. Les ateliers de maquillage, coiffure, mode ont été très suivis ainsi que les ateliers de soins de support. Trop de martiniquaises ont découvert à cette occasion l’intérêt de ces soins et de ces soutiens qui viennent compléter les actes médicaux contre le cancer. « J’étais très étonnée » témoigne Sylvia Desroses, qui a animé quatre ateliers de yoga africain à la Villa Woz, « beaucoup de participantes n’avaient jamais pratiqué le yoga, alors que c’est une activité très recommandée dans le cadre de la prise en charge. Elle permet aux femmes de se recentrer, d’être en harmonie, de gérer leurs émotions et de faire travailler le corps en douceur. J’espère que nous pourrons proposer cette activité sur du long terme avec les Amazones ». Miguel Baroudi, Maître d’armes, est lui venu animer deux ateliers d’escrime adaptée. « La pratique de l’escrime permet aux femmes qui ont subi une mastectomie de faire travailler le bras qui a été touché, de retrouver la mobilité et de lutter contre une posture recroquevillée qui est typique après l’opération. En France, l’escrime adaptée est souvent proposée dans les centres de soin. J’ai été formé à Toulouse en 2015 mais malheureusement en Martinique, je n’avais jamais eu l’occasion d’exercer cette spécialité. J’ai fait une proposition à l’association pour essayer de pérenniser ces cours » conclue Miguel Baroudi. Pour de nombreuses femmes, ces ateliers ont constitué une bouffée d’oxygène dans la maladie. En Martinique, la démocratisation des soins de support est un vrai besoin.

Formation des kinés

Pour tenter d’améliorer la prise en charge, les personnels soignants n’ont pas été oubliés dans la Villa Woz. Les 12 et 13 octobre, Fabienne Le Guevel Dausse, kinésithérapeute spécialisée en oncologie et Virginie Bordes, chirurgienne en oncologie de l’ICO de Nantes, ont formé 25 kinés martiniquais aux dernières techniques, cruciales pour réduire la cicatrice et permettre la reconstruction.

Ce programme ambitieux a été mené par des bénévoles. « Le rythme pendant ces trois semaines a été intense » commente Anne-Elisabeth Artsen qui a travaillé à la coordination générale de l’opération à la gestion des bénévoles, « avec des moments très forts en émotions. Beaucoup de visiteuses et de visiteurs nous ont remercisé pour ce que nous avons fait. Nous avions vraiment une équipe super pour assurer tout ça. Une trentaine de bénévoles au total, dont la plupart très investies ». Moune, Carine, Nathalie, Simone, Alex, Annabelle, Sandra, Odile…Un groupe d’Amazones solide, bienveillant et déterminé est né. Il refera reparler de lui !

Un groupe, des projets

« Les Amazones ont été une thérapie pour moi » résume Carine Avenel, Amazone bénévole en charge de l’infoline de la Villa Woz et qui a assuré sur place des moments d’accueil, d’orientation et d’écoute du public. « Je me suis vraiment dépassée. J’ai fait des choses que je n’aurais jamais imaginé comme poser nue pour une photo, être interviewée à la radio et la télé et me mettre à la disposition de gens qui avaient besoin de moi. Ça m’a permis de reprendre confiance et ça me donne envie de bien l’intention de continuer » poursuit Carine.

Et elle n’est pas la seule. Aujourd’hui les Amazones se tournent vers l’avenir avec un projet principal : créer une Villa Woz permanente. Après cette édition 2017, le besoin d’un tel lieu en Martinique n’est plus à démontrer…

Article : Laure Martin Hernandez I Photo © Lionel Chamoiseau