Un cancer à 20 ans…

Aux Antilles, comme en Polynésie, les soignant·e·s sont unanimes : de plus en plus de femmes jeunes sont touchées par des cancers. Elles ont 20, 25 ans. Elles sont étudiantes ou se lançaient dans la vie active. Elles sont parfois mères de jeunes enfants. Pour elles, les conséquences de la maladie sur leurs vies sont encore plus lourdes que pour leurs aînées, mais leur capacité de rebond et de résilience peut être aussi plus importante.

« J’exerce depuis 20 ans » explique Rachel Ferrere, oncopsychologue en Martinique « et c’est tout à fait net. La moyenne d’âge rajeunit dans mon cabinet ». Autrefois exceptionnels, les cas de cancers sur des femmes d’une vingtaine d’années aujourd’hui ne sont plus rares et les formes de la maladie développées par ces jeunes patientes peuvent être particulièrement agressives. 

« Pourquoi moi ? »

« Je n’avais jamais été malade. J’avais dû avoir de la fièvre trois fois dans ma vie. Sur le coup, vraiment je n’ai pas compris. Je me suis dit que j’allais mourir et je me suis dit : pourquoi moi ? » Manon a 22 ans, deux enfants (une fille de moins de 6 ans et un garçon de 16 mois) et un lymphome qui nécessite des soins à Villejuif. Le diagnostic lui a été annoncé en novembre 2019 en Guyane. Une première chimio a commencé peu après, en Martinique, l’île où elle a grandi. « Heureusement, mon corps a bien réagi. Je n’ai pas eu beaucoup d’effets secondaires, mais j’étais très triste. À Noël, au Premier de l’an, je ne suis jamais sortie. J’ai tout raté. La tristesse était plus forte que la douleur ». 

« À 20 ans », commente Rachel Ferrere, « on est au croisement de plusieurs problématiques. On est encore un peu adolescente psychiquement, pas encore vraiment adulte, n’en déplaise à l’état civil. Le socle identitaire est fragile : le rapport au corps, la relation amoureuse, la vie professionnelle. Tout cela est en cours de construction, c’est très fragile. La vulnérabilité psychique des jeunes femmes est donc très importante… »

Moins de sidération

Pour Manon, le cancer a été « un ouragan » dont les conséquences ont dépassé le cadre médical. Son compagnon l’a quittée estimant que « ça ne fonctionnait plus entre eux ». Il a aussi pris la garde de leur garçon qu’il ne veut pas lui confier avant qu’elle soit « guérie, qu’elle ait trouvé un appart et un boulot ». « Mon fils me manque beaucoup », regrette-t-elle. Manon a par ailleurs dû quitter le domicile de ses parents « parce qu’ils boivent trop, et un jour mon beau-père en est venu aux coups avec moi ». Quant à son avenir professionnel, il est suspendu. « J’étais dans une formation d’aide à la petite enfance, à distance. Il ne me restait plus que le stage à valider… » Ce n’est pas perdu. Manon espère le faire plus tard.

Car le coup est dur, mais pas fatal. « J’ai souvent été surprise par la maturité de ces jeunes femmes », raconte Rachel Ferrere. « Elles évaluent très vite la situation et se placent rapidement dans l’action. J’ai constaté chez elles moins d’effet de sidération que sur des patientes plus âgées ». L’énergie de la jeunesse peut être un atout.

Les conseils de la psychologue : « Même si chaque cas est unique, l’important c’est peut-être d’en parler, de ne pas se renfermer et de ne pas céder à la tentation de rester chez elles. Ne pas oublier non plus d’évoquer, avec les spécialistes, les problèmes autour de la sexualité et de la fertilité, avec la possibilité de préserver des ovocytes avant de commencer les traitements ». Et puis c’est aussi le bon moment pour entamer un travail sur elles-mêmes, pour préparer l’après-cancer et grandir…

Manon est sur Instagram : @Trl.manon Par Laure Martin Hernandez