Isa et Alex, amies, présidentes, sistas, Amazones!

Des yeux rieurs, une élégance à toute épreuve (même en short jean la nana a une  classe de ouf) Isabelle Baron est depuis décembre la nouvelle présidente de Amazones Martinique. Depuis, avec disponibilité, et une grande intuition, Isa découvre ce nouveau rôle de présidente d’association et de cheffe de Tribu des Amazones.

Je lui ai naturellement proposé une interview pour notre site, et elle m’a malicieusement répondu, “Et si on la faisait à deux voix cette interview Alex?” L’arroseuse arrosée, je ne me cacherais donc pas derrière l’écran cette fois çi… C’est donc une interview cœur à cœur à deux voix que nous vous proposons… D’une présidente à une autre.  

Alex : Qui es-tu? 

I- Je m’appelle Isabelle Baron, j’aurai cette année l’âge de la sagesse je crois (lol). Je suis vive, active et dynamique et je suis depuis peu la nouvelle présidente de l’association Amazones Martinique.

Alex : Peux tu nous raconter ta rencontre avec Amazones ?

I- Ma rencontre avec Amazones a eu lieu en Mai 2017, dans une chambre d’hôtel à Paris. Je m’y trouvais pour avoir un second avis médical suite à l’annonce d’un cancer du sein en Martinique quelques mois auparavant. Je cherchais sur le net une association à laquelle adhérer pour que l’expérience que je m’apprêtais à vivre puisse servir à d’autres femmes. J’ai trouvé Amazones !

Mon premier contact a don été virtuel via les réseaux sociaux avec Alexandra Harnais, que j’ai rencontré physiquement à mon retour en Martinique, quand j’ai commencé la chimiothérapie à l’hôpital Clarac. Elle m’avait emmené des flyers à distribuer, ma première mission au sein de l’association, pour la magnifique exposition photos qui devait avoir lieu au mois d’octobre de la même année à la villa Chantecler, transformée pour l’occasion en « Villa Woz ». Ce furent mes premiers pas au sein de l’association.

Alex : C’est quoi être une Amazone selon toi ? 

I- Etre Amazone est pour moi tout un concept. En résumé, je pourrais dire qu’être amazone c’est être une femme courageuse, forte, persévérante, battante et résiliente. C’est une femme qui ne baisse pas les bras, qui fonce et n’abandonne jamais. C’est l’une de mes devises : « Never give up ! ».

Alex : Tu as pris du temps avant d’accepter cette nouvelle mission de Présidente de Amazones Martinique. Ce temps était nécessaire ? 

I- J’ai pris du temps avant d’accepter cette mission de présidente de l’association parce que je ne souhaitais pas m’engager plus que je ne l’étais déjà. Etre présidente c’est une responsabilité qu’il faut pouvoir assumer, c’est du temps supplémentaire qu’il faut pouvoir donner. J’estimais avoir déjà une vie professionnelle et personnelle suffisamment riches et remplies et pas de temps à accorder à une telle mission. Quand je m’engage, j’aime le faire entièrement. Je ne souhaitais pas m’engager à demi. Finalement, je me suis laissée convaincre, j’ai fais des choix et renoncé à autre chose.

Isa : À ton tour Alex, pourquoi ce changement de présidence ?

A- Je pense qu’il est essentiel pour une association, une entreprise, qu’il y ait du mouvement. Le mouvement c’est la vie. Et puis dans le domaine de la cancérologie les traitements évoluent constamment. Notre devise est de rester au plus proche de ce que vivent les femmes touchées par la maladie. Être présidente de Amazones, c’est un investissement passionnant à 300%! il est important de se reposer, prendre du recul. On est parfois nous même en traitement pendant que nous aidons nos sistas, il ne faut pas s’oublier.

Isa : Pourquoi ce choix ?

A- Tu sais mon Isa, c’est un choix réfléchi. Je souhaite qu’Amazones ne soit pas incarnée par une seule personne.  Je ne crois pas en la “personne providentielle” comme on le cultive dans nos sociétés avec des leaders charismatiques. Je souhaite que nous soyons un mouvement, une énergie que n’importe quelle femme qui soit touchée par cette maladie ait envie d’incarner et de déployer afin d’aider celles et ceux qui en ont besoin car nous accompagnons aussi les proches des femmes malades. 

Isa : Qu’attends tu de cette nouvelle présidente ?

A- Qu’elle soit Elle. Qu’elle porte avec fierté et amour ce que nous avons bâti ensemble mais en ne s’oubliant surtout pas dans ce challenge quotidien qui comporte aussi de vives blessures. 

Alex : Peux-tu nous parler de ton bureau Isa ? Si tu devais mettre un adjectif face à chaque prénom de ton équipe. 

I- Mon bureau est constitué de femmes merveilleuses, bienveillantes, disponibles, actives, dynamiques et désireuses de faire avancer les choses. Elles donnent de leur personne sans compter et font de leur mieux pour apporter à toutes les femmes touchées par un cancer un mieux être physique et psychologique. Il est constitué d’une vice présidente, d’une secrétaire, d’une secrétaire adjointe, d’une trésorière, d’une trésorière adjointe et de deux coordinatrices.

Je n’oublie pas toutes les merveilleuses bénévoles qui permettent la mise en oeuvre des décisions prises par le bureau. Si je devais mettre un adjectif face à chaque prénom de mon équipe : Laurette/discrète, Jeanne/efficace, Gladys/organisée, Corinne/rigoureuse, Myriam/concrète, Karyn/bienveillante, Annabelle/ déterminée.

Alex : Tu as toi même été touchée par un cancer du sein il y a trois ans. Peux-tu nous dire quelques mots de ton parcours de soin ? 

I- Il y a trois ans, j’ai été touchée par un cancer du sein agressif de type triple négatif, qui a nécessité une prise en charge rapide. Détectée au mois de mars, j’ai débuté en juin, à l’hôpital Clarac, un cycle de 6 mois de chimiothérapie néo-adjuvante, à raison d’une séance tous les 15 jours, qui avait pour but de faire diminuer la taille de la tumeur avant l’opération. S’en est suivie une tumorectomie au mois de décembre que j’ai pratiquée en métropole, à l’institut Gustave Roussy. Puis de retour en Martinique j’ai poursuivi mon traitement pendant près de quatre mois de séances quotidiennes de radiothérapie à l’hôpital Clarac.

Ce fut un long et douloureux parcours, tant sur le plan physique que psychologique, mais j’en suis sortie.

Alex : Tu es proche de tes enfants, deux ados. Pour eux aussi cela n’a pas été simple…

I- Je suis une mère célibataire de deux ados de 16 et 18 ans , dont je suis très proche. Mes enfants sont ma vie, mon carburant, ma raison d’être. Je me donne corps et âme pour leur donner les bases d’une éducation qui leur permettra de devenir demain des adultes heureux, autonomes et épanouis. L’annonce de ce cancer a été un véritable tsunami dans leur vie étant déjà anéantis par la perte de leur père deux ans plus tôt pour cause de maladie également. Ce fut difficile d’imaginer également la perte de leur mère à ce moment là. C’était un nouveau choc pour eux. Ils étaient inquiets de savoir ce qu’il adviendrait d’eux si je n’étais plus là. Nos discussions ont tourné un temps sur le sujet de la mort puis très vite, mon instinct de survie a repris le dessus. Je devais me battre et continuer à vivre pour mes enfants. Je n’avais pas d’autre choix. J’étais terrorisée à l’idée qu’ils puissent devenir orphelins. Ce n’était pas envisageable. Ils m’ont donné la force de me battre et d’être là aujourd’hui !

Alex : Peux-tu nous dire quelques mots sur le dispositif « confinement » qu’Amazones Martinique (et d’autres Amazones en Outre Mer) ont mis en place ? 

I- Je suis très fière du dispositif « spécial confinement » que l’association a mis en place pendant cette période particulière : ateliers en ligne, fiches diététiques, beauté, santé et hotline de 4 numéros dédiés.

Je remercie Karyn notre coordinatrice de l’avoir imaginé et d’avoir pu le mettre en place avec la collaboration de nos super intervenant.e.s. Merci à eux d’avoir joué le jeu et de s’être adapté.e.s à la situation. Ces ateliers en ligne – via l’application Zoom – ont remporté un franc succès et permis aux amazones confinées de Martinique, Guadeloupe, Paris et même de Tahïti de continuer à prendre soin d’elles en rompant l’isolement. Elles ont pu ainsi bénéficier de séances de pilates, yoga, sophrologie, méditation, musicothérapie et même de rendez vous privés avec une onco-psychologue.

Alex : A ton avis, comment pouvons-nous œuvrer encore pour améliorer le parcours de nos soeurs qui entament le parcours de soins en ce moment ? 

I- Au delà de tout ce que nous avons déjà mis en place pour accompagner, soutenir et améliorer la qualité de vie des amazones en soins, notre volonté est de leur redonner le pouvoir. Nous souhaitons que désormais elles puissent être des actrices à part entière : qu’elles donnent leur avis, qu’elles soient écoutées et entendues.

Nous avons également à cœur de réduire les disparités d’accès aux soins sur notre territoire. C’est dans ce sens que nous travaillons et ce vers quoi nous voulons aller. Nous avons quelques jolis projets qui verront le jour cette année et encore de nombreux à venir. Surprise !

Isa : Et toi ? Que feras-tu Alex?

A- Hé bien, J’ai choisi d’oeuvrer à porter les couleurs d’Amazones par delà nos frontières. C’est un peu vertigineux car nous avons créé un tel cocon en Martinique qu’en laissant ce rôle de présidente, je me sens un peu déplumée (lol). Tu le dis toi même, nous sommes plus qu’une association, une famille. Nous avons ris à en avoir mal au ventre, essuyé les larmes les unes des autres, nous nous sommes soignées, soutenues, fait des pyjamas party, dépassé nos limites en grimpant le Morne Larcher (à bout de souffle à cause de la chimio)… 

A- J’ai vécu ces trois ans de présidence dans un rêve absolu sur ce plan humain. Aujourd’hui, la famille s’agrandit avec Claudine d’Amazones Paris, Carina d’Amazones Guadeloupe, Anne d’Amazones Pacific et bien sûr toi. C’est une nouvelle famille à construire, de nouvelles tribus à souder. Dépasser les souffrances, la distance, pour que nos cultures se lyannent pour faire vivre notre “Sé Lanmou”… En Outre Mer et plus loin peut être? 

Isa : Comment vois tu notre collaboration ?

A- Je continue d’être pleinement impliquée dans le développement d’Amazones Martinique bien-sûr. Je continue donc à porter certains projets phares avec l’aide de la team Martinique qui est magique. 

Isa : Y aura t-il d’autres changements de présidence à l’avenir ?

A- Dans nos statuts, le bureau change tous les deux ans. Pourquoi pas reconduire ta présidence deux ans de plus si tu le souhaitais ?  Moi je trouverais cela top, je trouve que tu es géniale dans ce rôle. 

Isa : Quelle est ta vision à moyen et long terme de l’asso Amazones Martinique et Amazones plus largement ?

A- Aujourd’hui Amazones mais aussi Ma tété, La Ligue Contre le Cancer, Seingulières, Atoumo, proposent un type d’accompagnement complémentaire à l’offre de santé en Martinique. Néanmoins les témoignages qui nous parviennent expriment encore de la solitude et des ratés dans le parcours de soins. Tant qu’il y aura une seule femme dans cette situation, cela sera une de trop. 

À Amazones, les formes d’aides sont nombreuses, et nous avons déployé une vraie boîte à outils pour améliorer ce parcours. Nous avons créé entre autre, le Nid, première maison co-participative dans laquelle les femmes pansent leurs blessures mais aussi apprennent à prendre leur envol à nouveau. Je rêve de Nids à Paris, en Guadeloupe, dans le Pacifique, partout ou ce sera possible et nécessaire. 

Nous souhaitons bien-sûr continuer à être force de propositions afin de co-construire avec les soignant.e.s, les instances de santé, les collectivités, le Ministère de la Santé et de l’Outre Mer… Je le disais dans le premier édito du Magazine Amazones (qui revient en octobre 2020), Alerte Woz, les Amazones arrivent! 

Alex : Pour finir Isa, as-tu un message, une astuce, ou autres choses à adresser, aux femmes qui nous lisent ? 

I- Je souhaite leur dire qu’elles ne sont pas seules, de ne pas rester isolées, de garder le moral, d’y croire, que ce sont de mauvais moments à passer mais que l’on en ressort plus fortes. Que la vie est belle et qu’il faut en profiter pleinement à chaque instant. Ensemble on est plus fortes et on va plus loin !