Cancer & radiothérapie en Guadeloupe : Attention danger !

Si la pandémie Covid19 ne cesse d’avoir des conséquences encore aujourd’hui sur l’offre de soins proposée aux patient.e.s du monde entier. En Guadeloupe, s’ajoute à tout cela des délais d’attentes plus que conséquent pour la radiothérapie, indispensable dans un délai raisonnable au parcours de soin vers la guérison. 

Médecin en soins de support oncologique Faustine Colin ne gère pas le traitement du cancer en lui-même, mais la prise en charge des douleurs et des symptômes. Elle apporte également un soutien psychologique à ses patient.e.s. Alors, même si le Dr Colin ne prescrit donc pas de radiothérapie cependant, elle tire, elle aussi la sonnette d’alarme à ce sujet : « J’assiste les patient.e.s dans ce parcours de soins : du diagnostique à la guérison. Et ce dont on s’est rendu compte, c’est que le défaut de soins en Guadeloupe fait que l’on a des délais en radiothérapie qui sont dangereux ! Les recommandations scientifiques font état qu’il faut avoir la radiothérapie un certain temps après la fin de la chirurgie. Et, pour des raisons de défaut d’offres de soin ou organisationnelles, ce n’est pas le cas en Guadeloupe. » 

En cause, selon le Dr Faustine Colin : « Il n’y a qu’une seule radiothérapie, c’est au CHU avec des plages dédiées à l’équipe du CHU et d’autres, pour les autres radiothérapeutes de Guadeloupe. Mais, ils sont très peu nombreux et on se retrouve avec des listes d’attentes qui entraînent des pertes de chances, liées à des retards de prise en charge de radiothérapie qui devrait par exemple avoir lieu 4 semaines après la fin d’un traitement. » Dans cette bataille inattendue pour offrir toutes les chances de guérison aux patient.e.s Guadeloupéen.e.s Faustine Colin n’est pas seule. « L’oncologue Daniel Vacque qui est le référent en Guadeloupe, et aussi radiothérapeute se bat aussi énormément pour trouver une solution au niveau du CHU et l’ARS, afin de résoudre ce problème de défaut de soins, augmenter le nombre d’heures de fonctionnement de la machine et obtenir le personnel dédié qui va avec, pour ainsi rallonger son utilisation. » Nous confie t-elle. 

« Je suis me suis battue 5 mois, après la chirurgie pour commencer ma radiothérapie… »

Des patientes concernées par ce délai trop important de prise en charge en radiothérapie, le Dr Colin en côtoie régulièrement dans son hôpital de jour, et ce à son plus grand regret : « J’ai des patientes qui ont attendu plusieurs mois et donc soit elles sont démunies et elles attendent qu’on les rappellent ou pas ou soient elles ont un réseau et se dirigent vers la Martinique ou Paris. » Eliane dépistée d’un cancer du sein en mars 2020, est justement l’une d’entre elles. « Je me suis battue 5 mois, après la chirurgie pour commencer ma radiothérapie, c’est le Dr Colin et le Dr Vacque qui se sont battus à plusieurs reprises pour que je sois prise en charge. Sans eux et l’association Amazones je n’aurai jamais pu poursuivre mes soins. Ça a vraiment été un long combat ! » Même mésaventures pour cette autre patiente : « Le délai entre ma mastectomie et ma radiothérapie a été plus long que prévu. J’ai été opérée fin juillet 2020, j’ai vu le radiothérapeute début septembre. Il m’avait prévenu qu’il y avait une liste d’attente et que la radiothérapie devrait commencer environ un mois après. Finalement, j’ai été contactée fin décembre pour la débuter début janvier. Entre temps, mon oncologue me prévient qu’il se peut que la radiothérapie ne soit plus réalisée parce que l’on a quasiment dépassé le délai entre les 2, mais finalement j’ai pu commencé ma radiothérapie plus de 5 mois après ma chirurgie. » 

Un retard aux lourdes conséquences, comme l’explique le médecin en soins de support oncologique : « On ne pas peut rattraper le retard pour ces patientes, elles bénéficient d’autres traitements comme l’hormonothérapie qui permet de compléter la prise en charge mais on ne peut pas mesurer l’impact que va avoir ce retard : Est ce que cela va augmenter le risque de récidives ? On ne pourra pas vraiment le prouver mais, on sait en revanche que cela augmente les risques. » Une situation qui pousse donc la professionnelle de santé à réagir : « Il faut alerter au niveau du CHU et de l’ARS car ce n’est pas normal, que l’on ne puisse pas être suivi convenablement pour un cancer du sein, qui est un cancer fréquent et très bien codifié. Au niveau de la prise en charge ce n’est pas compliqué techniquement et malheureusement à cause de ce défaut d’offres de soins en radiothérapie, certaines femmes ont des pertes de chance dramatique. On fini par leur dire de quitter la Guadeloupe mais celles qui n’ont ni familles à Paris ou en Martinique sont obligées de rester ici et d’attendre. » 

Le retard de traitement d’un cancer en études…

Dans un article paru en novembre 2020, l’Agence France Presse (AFP) tirait déjà cette sonnette d’alarme en se basant sur les conclusions d’une étude réalisée par des chercheurs britanniques et canadiens et publiée dans la revue médicale britannique BMJ courant novembre. « Retarder le traitement d’un cancer même d’un mois entraîne un impact significatif sur le risque de mortalité des patient.e.s. » Pour cette étude, ils se sont concentrés sur les conséquences de retards de traitements : Chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie pour sept types de cancers, avec comme base de travail : 34 études publiées ces vingt dernières années. Leur conclusion est sans appel : Un délai d’attente de 4 semaines peut accroître le risque de mortalité chez les patient.e.s.

Enfin, un rapport français plus récent, réalisé à partir des données de remboursement du SNDS (Système National des Données de Santé) du 27mai 2021, effectué par EPI-PHARE, montre « une augmentation de la délivrance de ces produits par rapport à l’attendu, sans rattrapage toutefois à ce jour, et confirme des retards conséquents en colonoscopie et imagerie dans la prise en charge de patient.e.s en cancérologie et en médecine de spécialité. » 

En Guadeloupe, les patient.e.s et les soignant.e.s parlent d’une même voix et en appellent aux instances de santé et aux pouvoirs publics pour que cette situation dramatique soit résolue au plus vite : des vies sont en jeu.

ANSM* : L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé