Lettre ouverte : Non à la culpabilisation !

Il arrive que l’on demande aux femmes atteintes de cancer ce qu’elles ont bien pu faire pour avoir cette maladie. Comme si nous pouvions expliquer l’inexplicable. Le mardi 10 octobre après la projection à Madiana des films « De Plus Belle » et « Amazones, l’Art de Revivre », les Amazones et les réalisateurs étaient invités à échanger avec le public. Un homme se présentant comme thérapeute et président de l’association AVS demande aux Amazones si elles savent pourquoi elles ont été malades… Ce monsieur, très à l’aise, enchaine ensuite en expliquant que les femmes atteintes de ces pathologies sont des victimes d’agressions sexuelles… La nausée. Une des Amazones, Juliette répond à cet homme dans une lettre ouverte que nous partageons pour que désormais on sache que plus jamais on ne taira l’innommable. Nous ne nous laisserons plus faire. 

Chère amazone, cher ami

J’ai écris cette lettre pour nous. Je ne sais pas si elle doit être ouverte, mais je pense que cela devait être écrit.

Monsieur

Hier après la projection du film, il y a eu un débat. Vous avez pris la parole. Vous avez laissé entendre que les Amazones ont développé un cancer du sein parce qu’elles ont été victimes d’agressions sexuelles.

Nous étions debout, devant le grand écran, exposées face au public, fatiguées après la projection d’un film très émouvant. Nous étions fatiguées. Et vous, monsieur, assis confortablement, vous nous avez agressées. Vous avez insulté nos familles, notre entourage, nos amis. Car comme vous le savez ( puisque c’est votre métier ), les violences sexuelles se font souvent dans le cadre familial ou amical.
Vos propos m’ont blessée. Je tremblais sur le podium. J’avais les dents qui claquaient. Trop fatiguée pour vous répondre. J’étais sidérée. J’étais dans le même état de sidération que ces femmes qui sont agressées sexuellement. Le public, par ses mouvements face à nous, désapprouvait vos propos.  Fort heureusement, le réalisateur du film, compagnon d’une Amazone, a su prendre notre défense. Merci à toi, mon frère.

Vos propos nous ont choqués. Vos propos étaient sans fondement. Aucune étude scientifique ne prouve que ce que vous disiez était possible. Je vous rappelle que les hommes sont aussi victimes de cancer. Il ne viendrait à l’esprit à personne de dire aujourd’hui que tous ces hommes ont été victimes d’agressions sexuelles.

Vous vous êtes comporté comme ces agresseurs que vous rencontrez quelquefois. Vous avez abusé de notre faiblesse pour nous agresser. Nous étions sidérées. Si je donne du crédit à votre discours,  je dois vous demander de présenter vos excuses, à toutes ces Amazones que vous avez blessées, afin d’éviter la récidive. Je ne le ferai pas, car je ne souhaite pas vous offrir la tribune que vous espérez. Je ne le ferai pas, car ce que vous disiez était faux.

Sachez cependant, monsieur, que nous sommes des Amazones. Des combattantes. Alors, avant d’exercer vos talents d’agresseur ailleurs, sur un autre terrain, je vous conseille de vous rapprocher de nous, de nous écouter. Cela vous sera utile dans votre travail, dans votre vie sociale.

Je regrette la violence de certains de mes propos. Je suis désolée d’avoir à être aussi véhémente. Mais on a retiré un morceau de mon sein. On a retiré mon utérus, ma matrice. Et j’ai ressenti hier, une agression de mon intimité, une agression publique.

Voilà pourquoi je vous écris aujourd’hui. Puisque j’ai été agressé publiquement. Puisque que j’étais sidérée. Et que j’étais trop faible pour vous répondre. J’envoie cette lettre ouverte à toutes les Amazones, à tous les Amazones. Soyons forts. Sachons repérer la violence. Et protégeons-nous avec nos armes, avec mes petits bras. Ensemble, nous sommes plus forts.

Frère et sœur, poète, écrivain, chanteuse, slameuse, artiste… pouvez-vous comprendre et corriger mon texte.

J’aimerais qu’il soit écrit en créole, qu’il soit dit dans toutes les langues, qu’il soit chanté. Nous sommes des Amazones, nous ne savons pas pourquoi nous sommes des Amazones aujourd’hui. Aucune étude médicale ne peut dire pourquoi en 2017 une femme développe un cancer du sein, du sang, de l’utérus, des ovaires etc. etc.
Nous sommes des Amazones, nous nous battons contre une maladie mortelle. C’est fatiguant. Alors, ne nous agressez pas. Rejoignez-nous. Aidez-nous à rester en vie.

Pour finir, je tiens à rassurer les femmes. Sachant que presque toutes les femmes ont été victimes  un jour de harcèlement de rue, ce qui est déjà une agression sexuelle. Si les propos de ce monsieur étaient fondés, nous serions toutes atteintes d’un cancer du sein. Heureusement la bêtise de triomphe pas.

Je vais bientôt être mamie, je rencontre des femmes et des hommes formidables. J’ai l’intention de vivre longtemps. Et je ne laisserai personne m’empêcher de profiter de ma guérison.

 

Juliette CHONVILLE