Retour à l’emploi après un cancer : un cap difficile

L’un des objectifs du Plan national cancer 2014-2019 est d’accompagner le maintien et le retour à l’emploi des patients, car ça ne va pas de soi. Une enquête publiée en 2013 par l’Observatoire sociétal des cancers avait montré que deux ans après le diagnostic, une personne sur trois avait perdu ou quitté son emploi. Dans les Outre-Mer aussi…

11 % des personnes en activitése sont senties pénalisées professionnellement à cause de leur cancer. C’est le cas de Isa qui avait 28 ans d’ancienneté dans son entreprise. « À ton retour, tu te sens comme une stagiaire, à qui on doit tout apprendre » explique-t-elle. « Car entre temps, c’est vrai, l’entreprise a évolué, les choses ont changé. La reprise n’est pas facilitée car tu n’es pas accompagnée. Heureusement, que mes collègues sont adorables et que mon responsable est très compréhensif. » 

Mais ce retour, l’animatrice de vente l’effectue, un peu malgré elle : « Je ne me sentais pas prête à rependre, mais harcelée par la sécu et la médecine du travail, j’ai repris en mi-temps thérapeutique. » Au moment de renouveler le contrat, c’est à nouveau la douche froide : « Par courrier, la sécu m’a informée du jour au lendemain que je ne bénéficiais plus du mi-temps thérapeutique car je ne suis plus en soins. Je dois reprendre mon travail à 100% et mes indemnités journalières sont suspendues. Ma chance, c’est que j’aime mon travail. Sans ça, je ne sais pas comment, j’aurais pu y arriver. »

Visites médicales

Il n’y a pas de chiffres précis en Outre-Mer concernant les retours au travail après un cancer. Sur ces questions, le MEDEF n’a pas été en mesure de nous répondre mais les patientes témoignent que ce n’est pas simple. Légalement, l’employeur n’a pas le droit de licencier au motif de la maladie. Dans les faits, s’il apporte la preuve que l’absence de la salariée nuit à l’activité, le licenciement peut-être décidé. 

Avant le retour à l’emploi, la salariée, qui a été absente pendant plus de 30 jours, doit demander au médecin du travail une visite de pré-reprise. Elle permet de décider d’adapter éventuellement le poste de travail aux nouvelles capacités physiques de la salariée et aux soins de suivi dont elle bénéficie. 

Opérée d’un cancer du col de l’utérus, Cindy n’a obtenu que quatre semaines d’arrêt de travail : « Dès les premiers rendez-vous pour les examens, mes absences ont été problématiques et cela a été encore plus compliqué après l’opération. » Une adaptation de poste n’était pas obligatoire et pourtant : « J’étais secrétaire. C’est vrai, je n’avais pas de chose lourde à porter mais je ne pouvais plus rester assise trop longtemps. » Malgré un employeur plus ou moins compréhensif, Cindy signe une rupture conventionnelle. « J’ai tenu six mois après le diagnostic avec une seule exigence : ne travailler que pour l’une des entreprises de mon couple d’employeurs. Paradoxalement, c’est ma patronne qui n’a pas accepté cet aménagement de poste. »  

Accompagnée par son médecin traitant, une onco-psychologue et le médecin du travail pour sa reconversion professionnelle, depuis janvier 2018, Cindy est à son compte comme conseillère pour une centrale d’achat : « Je débute alors ce n’est pas encore rentable, mais j’y crois. » confie-t-elle. 

Reconversions fréquentes

Anticiper son retour est primordial, pour une reprise dans de bonnes conditions. Tout d’abord, mieux vaut prévenir l’employeur de la durée prévisible de votre arrêt de travail, cela lui donne la possibilité d’organiser le remplacement. L’idéal est de conserver un lien régulier avec l’entreprise durant toute son absence.

Julie a été diagnostiquée en avril 2014 d’un cancer du sein triple négatif. Elle venait tout juste d’avoir 34 ans, une vie professionnelle épanouissante et une mutation à l’étranger en ligne de mire. Début 2015, elle décide de reprendre le chemin du travail après sa radiothérapie, et avant une seconde chimiothérapie orale et des chirurgies lourdes programmées : « Mon oncologue n’était très chaud pour que je reprenne, mais ma situation financière devenait compliquée. Fatiguée de relancer la CGSS Guadeloupe, j’ai demandé un retour à l’emploi. J’ai opté pour un mi-temps thérapeutique pendant un an. Il a été accepté sans problème. J’ai été accueillie avec bienveillance et beaucoup d’empathie par ma direction de l’époque mais je n’ai pas pu réintégrer le même poste car trop de stress et de contraires horaires. » À l’époque, Julie le vit comme une mise au placardAujourd’hui, elle a d’autres projets : « Je rêve désormais, d’une reconversion professionnelle plus en adéquation avec ce que le cancer a changé dans ma façon de percevoir le monde. Je conseillerai aux Amazones de prendre le temps de s’écouter avant de reprendre le chemin du travail, car les traitements malmènent nos corps et surtout nos âmes. »

Si la demande de visite de pré-reprise incombe à la salariée, la visite de reprise elle, est organisée par l’employeur. Objectif : adapter votre poste de travail aux besoins de l’entreprise en tenant compte de vos capacités physiques. Des aménagements horaires et du poste de travail sont possibles. Mais là encore, dans les faits, ce n’est pas toujours le cas.

Mélanie est une jeune Professeure des Écoles de Martinique qui a été touchée par un cancer ORL, dont les traitements ont abîmé ses cordes vocales.  Elle raconte : « Ma visite de pré-reprise s’est très mal passée. On m’a simplement affectée sur une classe ordinaire comme une enseignante ordinaire. Ils n’avaient pas reçu mes documents et n’étaient pas au courant de ma situation. J’ai dû faire un courrier au Président de la République et un autre au médecin du rectorat. En classe, ça se passait très mal, moqueries de la part des élèves, et dénigrement de la part des collègues. » 

Après deux ans d’arrêt, Mélanie n’était pas en mesure d’enseigner. Suite à l’avis médical, elle reprend à temps partiel thérapeutique, deux jours par semaine. Mais elle entreprend, elle aussi, des démarches pour une reconversion professionnelle vers l’administration. « Ils se sont rendu compte du problème quand ils ont enfin accepté de me recevoir. L’inspectrice a entendu mes difficultés à m’exprimer. C’est quand même dur parce que cela a toujours été mon rêve de faire ce métier et j’ai bossé dur pour y arriver. » regrette Mélanie.

Lectures conseillées :

  • « Préparer, anticiper et accompagner le retour au travail après un cancer », livret édité par l’Institut Curie
  • « Je prépare mon retour au travail avec mon médecin traitant » proposé par l’Assurance Maladie