Se faire soigner à Paris

Par choix ou par obligation, chaque mois des dizaines de femmes des Outremers vont dans l’hexagone pour suivre des traitements. Cet éloignement des amis et de la famille est parfois une souffrance, parfois une chance. Souvent, un peu des deux. Petit guide pratique à l’usage de nos copines déracinées médicales…

Plusieurs d’entre nous sont passées par là. Sitôt le diagnostic annoncé, alors que nous sommes encore assommées par la nouvelle du cancer, l’équipe médicale nous énumère la litanie de soins qu’il va falloir subir. Parfois, il faut pour cela parcourir des milliers de kilomètres vers la France continentale car certains actes ne sont pas pratiqués là où nous habitons. Les délais sont courts. L’annonce n’est pas encore digérée qu’on se retrouve dans l’avion, parfois seule, souvent désorientée, dans un état second.

Objectif : appartements relais

« Je n’ai eu que cinq jours pour me préparer » raconte Mélissa. « Heureusement, l’assistante sociale de l’hôpital en Martinique a fait le lien avec sa collègue de Gustave Roussy à Paris, pour préparer mon accueil là-bas, mais quand même… En 5 jours, il m’a fallu gérer beaucoup de choses : trouver une solution d’hébergement pour ma fille qui avait douze ans, lui expliquer sans trop l’angoisser, et aussi à ma mère chez qui elle est allée, et puis aussi confier le chat, annoncer à mon patron que je serai partie au moins 4 mois, penser aux factures etc. Du coup, avant même que je réagisse vraiment, j’étais à l’aéroport d’Orly ». Une sœur de Mélissa habite à Paris. Elle a donc pu aller s’installer chez elle pendant la chimiothérapie. « Ma sœur m’a accueillie et m’a accompagnée pour mes séances. Heureusement parce que je crois je n’aurais pas été en état de gérer un hébergement, le transport etc ».

Mais tout le monde n’a pas la chance d’avoir des proches qui habitent là-bas et qui acceptent de céder une chambre. Parfois aussi, l’hébergement dans la famille ou chez des amis, même s’ils sont précieux, peut être pesant. « Je suis allée chez une cousine qui a trois enfants avec son mari » raconte Fabienne, venue de Guyane pour soigner un cancer du sein. « Au début, j’étais plutôt contente d’être entourée mais après quelques jours, je rêvais d’être seule. J’aurais voulu pouvoir pleurer, crier parfois, et je me l’empêchais. Je ne voulais pas déranger. »

« L’hébergement, c’est la problématique commune à toutes les patientes qui viennent des Outremers » explique Claudine Fagour, la présidente des Amazones Paris. « Toutes les femmes d’Outremer n’ont pas les moyens de payer un logement à Paris, et puis elles n’ont pas non plus forcément l’énergie d’en rechercher un ». L’association créée en juin 2019 a fixé comme priorité de proposer des appartements relais, le temps de suivre des soins. Des tractations sont en cours avec des politiques et des bailleurs sociaux.

S’occuper de soi sans s’enfermer

Les Amazones de Paris veulent faciliter la vie des patientes venues des Outremers au niveau de leur logement mais aussi de leur accompagnement. « Moi-même quand je suis arrivée à Paris » raconte Diana Lengray, infirmière guadeloupéenne et secrétaire adjointe de l’association, « j’étais complètement désorientée, et je n’étais pas malade à ce moment-là, alors j’imagine très bien combien les femmes qui arrivent de loin et qui sont encore sous le coup de l’annonce du diagnostic, peuvent se sentir perdues ici ». 

« Cet éloignement est souvent compliqué. C’est un déracinement » confirme l’onco-psychologue Rachel Ferrere. Les patientes sont privées de leur entourage familial et amical à un moment difficile. « La séparation avec les enfants, surtout quand ils sont en bas-âge, peut aussi faire naître chez eux une angoisse de l’abandon. La traversée, le voyage, c’est aussi se demander si on reviendra un jour… » La période des traitements à Paris est donc éprouvante, mais elle peut aussi être profitable. « Pour ces femmes, cela peut être l’occasion de s’éloigner d’un quotidien trop lourd, de se libérer du regard social et de s’occuper d’elles-mêmes seulement. Ce n’est pas forcément un drame, c’est parfois positif » conclut Rachel Ferrere. 

Encore faut-il ne pas se sentir enfermée dans cet isolement. Pour cela, les Amazones déploient à Paris leurs armes favorites : la bienveillance et l’amour. Elles rendent visite aux patientes, distribuent des coussins cœurs thérapeutiques et organisent des rencontres et des ateliers de soins de support. 

LMH