Sexe et cancer : nos mecs en parlent

Pour faire l’amour en général, il faut au moins (minimum) un deuxième partenaire. Cela a été particulièrement chouette de suivre les témoignages des femmes interrogées par Simone Lagrand, dans son billet désopilant et tellement parlant « Saint Eros, priez pour nous« , on s’est dit du coup avec la rédaction que cela serait tout aussi chouette d’entendre les témoignages de nos chéri.e.s. Comment vivent ils les traitements, les changements d’humeur, les modifications de notre corps? Trois d’entre eux, Léon, Vianney et Cello se confient sans tabous et avec beaucoup d’amour.

 

Léon – « Quelle que soit la démarche, l’homme doit être présent, ne pas lâcher l’affaire »

« La maladie refroidit et ferme la porte à la sexualité. C’était un peu difficile mais en même temps, nous n’avions pas forcément la tête à ca. Pendant la maladie, je n’ai donc pas pensé à de potentielles frustrations.

Je n’ai pas développé de stratégie particulière pour aider ma compagne à accueillir son corps suite à son opération. J’ai continué à agir comme d’habitude en l’encourageant quand elle se sentait mal. Par exemple je lui ai dit que sa « coupe » lui allait bien. En revanche, au début, je n’étais pas très à l’aise avec le fait qu’elle porte une perruque. Je la préférai sans ses cheveux. La maladie a évidemment changé nos rapports : au début, on a peur de faire mal et puis, au fur et à mesure, la confiance revient. Maintenant, il faut prendre plus de temps car les médicaments entrainent une sécheresse vaginale. Il faut donc accorder encore plus de temps aux préliminaires.

Si je peux donner un conseil aux hommes qui traversent cette épreuve actuellement : être fort, épauler, écouter, encourager la personne à surmonter cette épreuve, être là en permanence. Dire que c’est un passage.

Quelle que soit la démarche, l’homme doit être présent, ne pas lâcher l’affaire, rester positif pour elle, essayer de continuer à agir comme d’habitude sans se focaliser sur la maladie : continuer à sortir et faire des choses « normales » ensemble. Même si cela n’a pas été mon cas, je pense aussi qu’il faut que l’homme puisse se confier à quelqu’un pour se libérer d’un certain poids et peut être aussi entendre des conseils extérieur. »

 

Vianney –  » Nous avions fait le pari de rire de tout »

« Je ne me suis pas du tout questionné au sujet du rapport de ma compagne à son corps. L’important étant qu’elle traverse les étapes le mieux possible. J’ai eu tendance à ne pas penser à moi-même. Non pas que je me sois négligé, mais toute mon attention était porté sur elle, ses envies et ses besoins. Entre l’annonce et le début des traitements, il se passe très peu de temps parce qu’il faut réagir très vite, donc la priorité n’est pas de se dire « comment nous pourrions continuer à faire l’amour comme avant? », mais plutôt comment s’assurer que tout ce qu’on va mettre en place comme traitement sera la meilleure option possible pour assurer la survie. Il est question d’un cancer, pas d’une grossesse.

Mes frustrations ? Au début, ce fut très difficile, j’ai tenté la zoophilie avec des chèvres mais c’était bof donc du coup j’ai arrêté !!! Non, plus sérieusement, je ne me suis jamais senti frustré. Comme je le disais, j’étais plus focalisé sur la recherche de petits bonheurs simples : passer du temps avec des amis, la famille, sortir dès que l’état de forme est bon. La question de ma sexualité se serait posée dans le cas d’une situation irréversible, mais pas dans le cas du cancer du sein. Nous savions que la chimio allait durer 4/5 mois avec une courbe de forme sinusoïdale donc franchement, même si la fréquence des rapports sexuels est moindre, ce n’est pas non plus insurmontable.

Quand on parle des effets de la chimio, on retient souvent principalement la perte des cheveux. Ma compagne avait donc opté pour une coupe très courte dès le début et je dois dire que c’était une très bonne idée d’autant plus que ce style lui allait très bien. Idem pour le coté épilation du maillot, c’est un style qui lui allait très bien. En fait, nous avions préféré voir les bons cotés des choses. La perte des cils était moins sexy c’est vrai, mais de mémoire, c’est intervenu tardivement dans le traitement.

Elle a choisi de ne pas porter de perruque mais pour le fun, nous avions quand même été faire une séance d’essayage histoire de passer le temps et puis d’avoir des conseils sur la repousse des cheveux.

Évidemment chacun encaisse plus ou moins bien les effets de la chimio et je sais que certaines personnes perdent le moral. Nous avions fait le pari de rire de tout, et à voir les médecins et infirmières entrer dans notre jeu, ça nous laissait croire que la stratégie n’était pas trop mal.

La mastectomie était plus délicate à vivre pour elle parce qu’elle a longtemps cru à une conservation de son sein. La cicatrice est spectaculaire et pour ma part, je n’ai jamais su trop comment me positionner par rapport à ça. On ne peut pas dire « mais non c’est rien », et encore moins « non je ne peux pas regarder c’est trop horrible! ». Là encore, je me suis focalisé avec elle sur les meilleures façons de préparer la reconstruction (avec l’aide d’un kiné-oncologue spécialisée notamment) et puis évidemment le type de reconstruction à faire (prothèse ou lypomodelage). Entre temps, je l’ai toujours accompagné dans le choix de sa prothèse externe, dans l’achat de sa lingerie spécialisée. Aujourd’hui, la médecine et le paramédical font tout ce qu’il faut pour que chaque étape soit la plus supportable possible et ce n’est pas négligeable. En fait, ce qui m’a rassuré à chaque étape, c’était de la voir rassurée elle-même.

Je ne sais pas si le cancer a changé quelque chose finalement dans l’intimité. D’une manière plus général, le cancer a fait qu’on est encore plus attentif l’un envers l’autre, on sait que la maladie peut revenir n’importe quand dans notre couple, dans notre famille, auprès de nos proches donc du coup, on vit peut-être plus intensément, on essaye de profiter des choses simples de la vie.

Inévitablement je suis plus attentif quand j’entends parler du cancer. Je n’ai pas de conseils à donner aux autres hommes. Ils prendront ce qu’ils voudront prendre dans les témoignages en fonction de leur caractère. Moi je suis du genre à planifier les choses, donc le plus important pour moi aura été d’être présent au maximum auprès de ma compagne et de poser des questions à chaque consultation pour savoir au mieux comment aborder les étapes à venir. »

 

Cello –  » Il est crucial de faire preuve de compréhension »

« Dans mon esprit le combat contre la maladie, et donc ses conséquences sur le ressenti de mon épouse par rapport au corps, avaient la priorité. En clair, il s’agissait de l’accueillir et de l’accompagner sans chercher à le remettre en question ou le défier. J’ai cherché à la rassurer sur le désir que j’éprouve pour elle en début de traitement et je l’ai fait de manière maladroite mais mon intention était d’exprimer : »rien n’a changé », malgré la maladie.

Ensuite je n’ai pas profondément ressenti de frustration car pour moi il s’agissait de prendre en considération l’impact de la maladie et de se mobiliser ensemble pour la vaincre. J’ai tenté de la rassurer au mieux quant au regard que je posais sur elle.

Le cancer n’a d’ailleurs fondamentalement rien changé à ma manière d’aborder notre intimité.

La maladie a un impact sur le corps et l’âme et par extension sur la relation de couple. Je pense qu’il faut beaucoup en parler ensemble si c’est possible, cela aide par la suite.

Il est crucial de faire preuve de compréhension, de patience, de discernement. Le cancer est une maladie qui peut terroriser et avoir un effet important au niveau mental dans le sens où l’on peut rentrer « en mode survie » et déplacer les priorités (les relations intimes peuvent être suspendues car il faut d’abord accepter ce nouveau corps, l’apprivoiser, vivre avec, etc…). Je conseillerais également de se donner la possibilité d’échanger, de se confier à un  ami, un psychologue ou tout autre personne avec qui l’on se sent en confiance car cela peut aider  à mettre ses pensées, ses émotions, ses idées en perspective. En tous cas ne pas rester seul. »

Merci à ces supers mecs qui non seulement ont été aux côtés de leurs chéries mais qui témoignent aujourd’hui de leurs expériences. Ce sont des témoignages d’autant plus forts que malheureusement, selon les statistiques, un couple sur cinq ne résiste pas aux épreuves du cancer. Réussir à deux, ensemble, avec amour, ben c’est possible!

Témoignages recueillis par Simone Lagrand – Dessin Kay